lundi 7 janvier 2013

"Je ne vous vois pas du tout en prépa"

C'était une belle matinée de janvier. Le temps était clément et les élèves pouvaient se rendre au lycée sans craindre le froid, la pluie ou la neige. L'ambiance était plutôt légère et les "bonne année" qui s'enchainaient la rendaient plus chaleureuse encore - car bien que ces souhaits soient répétés chaque année avec le même ton presque indifférent, ils arrivent encore à réveiller en nous nos rêves les plus fous, les "bonne année", pendant ces quelques secondes où ils résonnent encore dans nos esprits, apportent la promesse d'une année meilleure que toutes les précédentes. Les désillusions se manifesteront bien assez vite, en attendant ces premiers jours de janvier valent la peine d'être savourés avant qu'ils ne s'échappent et laissent place à la tristesse et à l'angoisse. J'attendais tranquillement que le cours d'accompagnement se terminât tout en discutant avec une amie, sans manquer de lui communiquer ma joie : mes premières notes de bac blanc étaient plus élevées que je ne m'y attendais. J'étais bien partie pour garder le sourire aux lèvres les prochaines heures, mais c'était sans compter l'intervention de ma prof principale qui est aussi ma prof d'économie. Il se trouve que je lui avais envoyé un mail ce week-end pour lui demander d'une part si dans tel lycée la réputation de concurrence excessive entre les élèves et de mauvaise ambiance était fondée, et d'autre part si elle pensait que mon projet de postuler en fac de psychologie était risqué ou me convenait. Je ne savais pas si elle avait déjà lu mon mail, mais à fin du cours elle m'a appelé, le visage un peu trop sérieux - cela ne présageait rien de bon. Elle avait fièrement posé sa tablette sur son bureau et ne pouvait s'empêcher d'y lancer quelques regards.

"Bon alors... J'ai bien vu votre mail.... (Elle avait le mail en question sous les yeux) Mais je ne vous vois pas du tout en prépa"

Je crois qu'à cet instant mon visage s'est décomposé. Je ne lui avais jamais demandé son avis à ce propos et c'est certainement pour cela que je ne m'attendais pas le moins du monde à ce qu'elle me dise ça, et qui plus est de façon aussi directe. *Et c'est maintenant que vous me dites ça ? Je veux faire une prépa depuis, laissez-moi réfléchir, deux ans, et c'est 13 jours avant l'ouverture d'amission post bac que tout à coup, vous me la déconseillez ?* Entre mes questions insistantes pour essayer de comprendre la raison qui la poussait à me dissuader de faire une prépa et ses réponses évasives, cette courte conversation a été tout à fait étrange. Elle ne semblait pas avoir des arguments précis à m'apporter, j'ai donc supposé qu'elle se basait sur l'impression que je lui donnais plus que sur des exemples concrets. D'ailleurs je dois avouer qu'au final son avis ne m'a étonné qu'à moitié, j'ai toujours senti qu'elle me considérait comme quelqu'un de naïf. J'ai insisté, elle m'a finalement laissé entendre que j'étais peut-être trop dans la récitation et pas assez dans la réflexion. "Bon, vous verrez avec votre bac blanc..." a-t-elle lâché sur un ton toujours aussi sérieux *Zut, et moi qui pensais avoir plutôt bien réussi mon bac blanc d'économie". Nous avons parlé quelques instants, pas longtemps parce que nous devions libérer la salle, et après m'avoir dit rapidement qu'elle me voyait bien en fac de psychologie, je lui ai demandé une nouvelle fois pourquoi elle m'imaginait mal en prépa.

"Vous manquez de maturité intellectuelle" a-t-elle finalement déclaré, avant d'ajouter "Mais après vous faites ce que vous voulez, si vous voulez quand même postuler allez-y".

Ma traduction : "Vous êtes bien gentille ma petite mais les élèves naïfs on n’en veut pas en prépa. Si vous voulez ignorer mes conseils, faites, mais je vous aurais prévenue"

(Enfin après tout on m'avait dit la même chose quand j'ai voulu entrer en section européenne et maintenant je m'en sors très bien).

A ce moment précis j'aurais bien voulu lui brandir mon 15 en philosophie pour lui montrer que j'avais beau ne pas être très douée en SES, ce n'était pas le cas dans toutes les matières, et que son "manque de maturité intellectuelle", s'il était vrai pour l'économie (et ça je ne le nie absolument pas, moi et l'actualité ou l'économie ça a toujours fait deux), ce n'était pas nécessairement le cas pour les autres domaines. J'aurais aussi voulu lui montrer les quelques livres que j'avais lus en philosophie - L'existentialisme est un humanisme, Esquisse d'une théorie des émotions, Discours de la méthode, D'un prétendu droit de mentir par humanité - simplement pour lui prouver que non je n'étais pas aussi scolaire qu'elle semblait le penser. Je ne pense pas être quelqu’un d’aussi naïf qu'elle le croit - parce que c'est bien ça la traduction de sa phrase : "Manque de maturité intellectuelle" ça veut clairement sous-entendre que je suis trop naïve. Certes j’ai quelques difficultés en économie, tout comme plein d'autres élèves qui ont des points faibles, certes je suis trop déconnectée de l'actualité, mais ce n'est pas une seule matière qui révèle les capacités d'un élève. Alors oui je vais prendre en compte ses quelques remarques même si j'aurais aimé qu'elle soit un peu plus précise dans ses arguments - après tout, chaque conseil est bon à prendre. Si j'ai toujours déploré mon côté un peu naïf, ça ne reste qu'une partie de moi, une partie plus petite qu'elle ne le pense. Pour le reste, j'ai beau avoir mes difficultés, je progresse chaque jour un peu plus, notamment dans les matières que j'adore comme la philosophie. Peut-être que je devrais retourner lui parler pour en savoir plus, mais je n'ai dans tous les cas pas l'intention de prendre ma décision en fonction de ce qu'elle pense de moi. Je suis capable de m'analyser moi-même et c'est donc à moi de juger si je suis capable ou non de suivre un ou deux ans de prépa. Une dernière chose : je n'ai pas oublié de faire un bilan de mon bac blanc, seulement j'attends d'avoir toutes mes notes.

4 commentaires:

  1. Naaan !
    Comme c'est une pute ta prof, c'est abuser !
    Je ne peux que te conseiller de ne pas suivre son conseil...

    Et à son avis, c'est où qu'on l'acquiert le mieux, la maturité intellectuelle ?? Elle est débile ou quoi ? Elle sait quelles sont tes petites faiblesses (et entre parenthèses, c'en sont pas vraiment, car manquer de maturité intellectuelle, c'est le cas de beaucoup d'élèves au lycée) et elle te déconseille de faire EXACTEMENT ce qu'il faut pour les transformer en forces ?

    Tu m'as l'air d'être une fille très réfléchie au contraire, et tu as largement ta place en prépa, où tu apprendras mieux à maîtriser tes capacités.

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  2. Je sais pas si je dois te raconter ça ou pas parce que ça risque de t'énerver encore plus mais bon, c'est pas mon intention, je veux juste te montrer que l'avis des profs on s'en fou quand on est déterminé comme tu l'es pour la prépa.
    Ton histoire me rappelle la mienne, sauf que c'était l'inverse. Je voulais aller en fac de langues depuis le collège, et même si j'explorais d'autres pistes, au fond j'ai toujours su que c'était ça. Pourtant mon orientation m'a fait douté tout au long de la terminale, j'étais parfois dans des états pas possibles à cause de ça et pourquoi? A cause de mon prof principal, prof d'éco aussi. Il n'arrêtait pas de me dire qu'en gros ce serait du gâchis pour moi d'aller à la fac, et que je devrais aller en prépa. J'avais beau lui répéter que je savais que je voulais faire un métier dans les langues, donc que concrètement je n'avais pas besoin d'aller en prépa, il me conseillait au moins d'y aller un an quitte à repartir à la fac après. J'admirais ce prof, et il a eu un impact énorme sur moi cette année-là, j'arrêtais pas de me dire que je ne visais pas assez haut, il a réussi à me mettre de gros doutes sur la fac ALORS QUE PUTAIN A LA BASE J’ÉTAIS SURE DE MOI.
    Bref, le point où je veux en venir, c'est qu'il avait beau en être persuadé, je n'étais pas faite pour la prépa. Désolé de tourner le couteau dans la plaie mais je me souviens qu'il écrivait "très bonne capacité de reflexion" sur mes copies alors qu'en fait je récite les cours et basta. Franchement j'ai été une grosse bluffeuse au lycée, c'est pour ça qu'il a eu l'impression que j'étais assez passionnée de travail pour la prépa. Mais non, je n'aime pas travailler, je ne suis pas super cultivée, je bosse le minimum syndical, je vais jamais plus loin que les cours qui sont donnés... Et tu vois tout ça c'est ce que TOI tu fais, et ce qui te donne un profil prépa mais ça ta prof ne le sait pas.
    Bref, elle ne te connait pas, donc ne laisse pas ce qu'elle te dit rentrer dans ta tête. Si tu pars avec la mentalité que tu n'y arriveras pas, ça ne marchera pas.

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  3. Ah et j'ai oublié : en revanche je te déconseille fortement la fac de psycho qui est le repaire typique des gens qui ne savent pas quoi faire de leur vie et qui considèrent qu'après tout, c'est tranquille d'être payé 40€ de l'heure à écouter les gens se lamenter sur une chaise. En réalité, les études de psycho, c'est pas ça, c'est très chiant, y'a plein de cassos, et la vraie sélection, elle ne se fait qu'en M2 !! Et en plus y'a vraiment pas beaucoup de boulot dans le secteur...

    Mieux vaut faire une prépa, qui avec le développement des banques d'épreuves, offre tout un panel de possibilités d'avenir et de reconversions, et se contenter de faire de la bonne vieille psychologie de comptoir en attendant de trouver ta place (si vraiment tu tiens à faire le bureau des pleurs).

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    1. Khâroline, C'est un peu vexant ce que tu dis concernant les personnes allant en Psychologie. Etant en L3 de psycho, je suis une personne stable, bien dans mes baskets et consciencieuse. Etre dans cette filière ne m'empêche pas de réussir, d'exercer mes capacités de réflexion, et d'avoir de VRAIS projets professionnels. J'ai des ambitions, je suis passionnée par l'humain, par ce que je fais, et par ce que la psychologie m'apprend. Je l'ai choisie comme une vocation dès le collège, et non comme une voie poubelle. Ce que tu décris là, c'est un phénomène courant dans TOUTES les filières de la fac en général, surtout en première année. Concernant les débouchés, tu as tout faux, et concernant la spécialisation, les premières années de Licence permettent de faire un tour d'horizon de la discipline qui est assez riche, et aussi très complexe. Heureusement que la spécialisation ne se fait qu'en Master, car la psychologie souffre de l'ignorance des gens qui se basent sur des représentations préconçues. Il y a beaucoup d'abandons en première année, car les gens ne se renseignent pas vraiment avant de s'engager dans cette voie. Après, tout dépend du cas de chacun.

      Par ailleurs, être psychologue ce n'est pas avoir le cul sur une chaise toute la journée en se la coulant douce. La psychologie clinique rattachée à la psychanalyse telle que nous la connaissons implique une méthode très rigoureuse, des connaissances très larges mais pointues, et demande une interprétation juste, une neutralité bienveillante, et une énergie bel et bien mobilisée dans l'écoute de l'autre. Les psychologues sociaux, du travail, de la communication, les ergonomes (oui l'ergonomie c'est de la psycho aussi), les psychologues cognitivistes, différentialistes et que sais-je, font ce que l'on appelle de la psychologie de terrain, avec recueil de données empiriques grâce à des expériences, des tests de personnalité, et j'en passe. La psychologie que tu décris là, est un stéréotype éhonté qui existe bel et bien, mais qui ne fait pas tout.

      Bref, merci de respecter un peu les choix des autres. Des clichés, il y en a partout, et c'est être étroit d'esprit que de se baser sur ça. Ce n'est pas faire preuve de beaucoup de réflexion justement.

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