dimanche 27 janvier 2013

Le Destin a frappé - partie 1

Cet article démesurément long  (je m'en excuse) n'est que la première partie de l'article que j'ai intitulé "Le destin a frappé", qui n'a rien d'exceptionnel si ce n'est que pour une fois il ne s'agit pas d'un long monologue sur un thème précis, comme la séparation ou la torture psychologique au lycée. Pour changer un peu j'ai voulu retourner dans la normalité et simplement parler de quelques épisodes de ma vie quotidienne. C'est aussi ce genre d'article que je serai heureuse de relire dans quelques années.
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J'ai inventé un petit rituel pour éviter à mon cerveau d'exploser pendant les cours d'économie et de géographie : je laisse mon esprit s'évader quelques instants, laissant les voix ne m'atteindre que comme un murmure lointain, je me retire en moi-même, je m'empare de mon stylo, et je commence à écrire. Vendredi, je l'ai donc saisi et j'ai noirci une page, puis une autre, puis une autre. Retirée en moi-même, pas tant que ça : je n'oubliais pas de cacher de mon bras les lignes à mesure que je les remplissais pour empêcher une paire d'yeux baladeurs d'avoir, par mes mots, un accès direct à mon esprit et à mes pensées. J'ai commencé à écrire un article sur le fatalisme et le Destin, et à ce moment-là j'étais loin d'imaginer que les derniers événements de la journée donneraient davantage de contenu à mon texte. Vous voilà condamnés à lire un article qui a doublé de volume.
Je n'ai jamais été impolie envers l'esprit d'Alain, je ne lui ai jamais manqué de respect et j'osais espérer que mes regards moqueurs passeraient inaperçus, mais non, son fantôme est bel et bien revenu pour me hanter. Malheur à moi, ce pauvre défunt a remarqué la manière avec laquelle je lisais son texte sur la nécessité - les yeux écarquillés, le regard taquin et moqueur. A ce stade de l'histoire, avant qu'un nouveau contre-temps ne m'empêche de réviser mes DS, je crois utile de préciser que je ne ne nierai plus jamais l'idée de nécessité et de fatalisme. Vous m'entendez vous autres fantômes ? Jamais. Vous comprenez, je n'aimerais pas être privée, suite à une action divine venant punir mon impertinence, de ces heures de révisions si délectables durant lesquelles je me penche devant un carnet de comptabilité, ou mieux, devant un croquis représentant les dynamiques du Brésil.

J'étais pourtant pleine de bonne volonté, vendredi matin, quand je suis calmement sortie de mon lit au lieu de saisir mon réveil et de le jeter par la fenêtre, pour ne plus jamais être victime de ses musiques orientales ou de ses prédictions astrologiques. "Arrêtez d'éviter les conflits". Bon sang ils ont raison, aujourd'hui c'est décidé je vais défouler sur quelques victimes choisies par mes soins. Désespérée par mes yeux cernés, paniquée devant mes cheveux ébouriffés, j'ai quand même résisté à la puissante attraction que mon lit exerçait sur moi. "Reste avec moi deux heures de plus, mon enfant", me susurrait-il, le coquin.

J'aurais pu céder à ses demandes. Je vous avais déjà dit que le vendredi je commençais à 10h ? Stratégie brillante de la part de nos professeurs. Loin d'eux l'idée de laisser aux élèves deux heures de plus pour se reposer et oublier à quel point se faire massacrer par des normographes et des crayons de couleur est éprouvant, ils ont plutôt cherché le moment où nous ne pourrions pas mettre ces deux heures à profit pour dormir. Quel est le meilleur moment pour que les élèves s'auto-torturent sans qu'ils n'aient à porter le chapeau de notre souffrance, voire même de notre mort précoce ? Le vendredi matin, gagné. Quand le temps presse, les procrastinateurs que nous sommes ne sont pas dépourvus d'un certain sens des priorités, c'est pourquoi nous sommes capables de nous rendre compte que commencer à réviser un DS le vendredi soir pour le samedi matin n'est pas l'idée la plus brillante que nous ayons eue. Pour nous rattraper, nous décidons de programmer notre instrument de torture favori à 6h45 dans le but de nous rendre au lycée à 8h, comme tous les jours, tout en nous maudissant de ne pas avoir ouvert nos cours plus tôt. Nous profitons de ces 2h de calme pour réviser (rectifications : nous profitons de ces 2h passées au CDI au milieu de petits excités incapables de bosser leur TPE en silence). Oui, les professeurs sont intelligents quand ils s'agit de faire souffrir leurs élèves. "Ces abrutis incapables de s'organiser se lèveront plus tôt" pensent-ils, nos cruels supérieurs (ajoutez à cette affirmation un rire démoniaque et vous serez en mesure d'imaginer le degré de sadisme d'un professeur des plus banals).

Pour se rendre au lycée à 8h, encore faut-il être prête à temps - premier obstacle - et avoir des transports en commun - second obstacle. Après avoir passé plus de temps que la normale à me préparer, peu motivée à l'idée de me faire massacrer à coup de logarithme népérien, d'exponentielles ou de valeurs intermédiaires, j'ai quitté mon appartement à reculons 20 minutes plus tard que prévu. Le casque sur les oreilles, je ne me pressais pas dans la rue. Je profitais de ce moment où, si je faisais abstraction du froid qui gelait mes pauvres petits doigts pourtant protégés par des gants, je pouvais ne penser à rien d'autre qu'à la musique qui me berçait et rythmait mélodieusement mes pas, sans culpabiliser de ne pas être en train de travailler. Seule dans mon monde, j'étais presque souriante, mais ça c'était avant de me faire chasser sans avoir pu entrer dans le métro. "Pas la peine de venir, pas de métros pour une durée indéterminée, je ferme la station" (A la façon dont il nous regardait et nous parlait, il aurait pu tout aussi bien nous dire "Allez ouste bande de cons" que ça n'aurait rien changé).

A ce moment-là j'ai pensé très fort à Alain, et aussi accessoirement au bus que j'allais bien pouvoir prendre pour me rendre au lycée, d'abord parce que j'avais froid, et ensuite parce qu'en tant que paresseuse qui se respecte, je ne pouvais décemment pas faire le trajet entier à pied. J'ai pensé à lui et je me suis dis qu'il avait peut-être raison, qu'une nécessité m'empêchait bel et bien de réviser mon DS de maths pour me punir de ne pas m'y être prise plus tôt, ou peut-être aussi que c'était son fantôme qui voulait se venger de ne pas avoir pris sa philosophie bien au sérieux. Pendant un instant j'ai été tentée de retourner chez moi, de me remettre en pyjama et de ne plus jamais revenir. Mais une petite voix dans ma tête me répétant qu'un DS de maths ne se révisait jamais tout seul,  j'ai finalement réussi à convaincre que la seconde option, celle qui consistait à me rendre au lycée sans repasser chez moi, était la plus raisonnable. Je marchais, et je sentais la libération approcher. (Comprendre : le bus, le bus, enfin le bus !). Ledit bus m'est passé sous le nez et, toute indignée que j'étais, j'ai refusé d'attendre 11 minutes et j'ai décidé de finir à pied. J'avais bien envie de m'arrêter visiter la fosse aux ours (mais c'était fermé) ou de manger une pizza (mais c'était un peu tôt), et puis finalement j'ai continué ma route et je suis arrivée au lycée à 8h45.
"Victoire, victoire !" criait mentalement une Esmeralda hystérique en fonçant au CDI et en s'emparant d'une revue (Je lis cinq minutes et ensuite promis, je me mets aux maths). Mais non, il a encore fallu que le destin se mette en travers de ma route. Chassée du CDI injustement ("CDI fermé aujourd'hui" Ah bon et qu'est-ce que je fous là alors ?) je me suis contentée du bâtiment des terminales où j'ai tracé quelques tableaux de variations entre deux conversations avec des camarades. J'aurais mieux fait de rester dormir chez moi.

1 commentaire:

  1. Ahah, ton article m'a bien fait rire, ça nous arrive à tous des galères comme ça!

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