samedi 16 mars 2013

Parce que tout le monde ne peut pas être Proust

C'est une sensation tellement étrange de ne pas savoir comment commencer, de laisser ses doigts se balader indéfiniment au-dessus du clavier, perdus parmi l'éventail de possiblités qui leur sont offertes, ou au contraire incapables, parmi tous les mots qui se proposent, d'en trouver un adapté. J'en viens à me demander si tenter de retranscrire des sentiments que je comprends à peine moi-même n'est pas un combat éternel que je ne pourrai jamais gagner. Mais alors tout ce que je ressens aujourd'hui n'aura plus de sens dans dix, vingt, trente ans, tout aura été vain. Il me restera, bien sûr, des bribes de souvenirs, des images - dont je ne pourrai d'ailleurs jamais être certaine qu'elles sont vraies, qu'elles ne sont pas qu'une simple invention de mon esprit - des sons, des mots solitaires, des cicatrices, de vagues sentiments nostalgiques. Ces souvenirs, des années ou même seulement quelques mois plus tard, ne forment plus qu'un mélange confus de sensations qu'il est difficile de démêler. C'est pourtant ce qui est le plus important. Que serait un événement s'il n'était pas accompagné d'une pluie d'émotions diverses qui le rendent vivant et bien réel ? Un souvenir seul n'est rien si le ressenti est oublié.
 
Je suis très attachée aux souvenirs et je suis triste lorsque je me rends compte de tout ce que de mon passé j'ai oublié. Lorsqu'un événement s'échappe de notre mémoire, c'est comme s'il n'avait jamais existé. C'est pour cette raison que je veux avant tout, dans mon style, récréer un sentiment humain, illustrer avec justesse, grâce aux mots, une vision du monde qui m'est personnelle et qui évolue au cours du temps, pour m'en imprégner de nouveau lorsque j'aurai trop changé pour que ma mémoire seule me permette de comprendre qui j'étais. Je me suis souvent dit qu'une telle tâche était impossible, et puis j'ai lu des blogs, et puis j'ai lu Proust, et ma vision a changé. Ce n'est peut-être pas possible de représenter le réel tel qu'il est exactement, mais il est possible de se rapprocher de la sensation, de l'effleurer et de la refaire naître grâce aux mots.
 
Cet article pourrait paraître optimiste, mais ces derniers temps j'en manque un peu. Je ne suis pas écrivain, je ne suis pas Proust, je n'aime pas mon style quand je m'essaie à la fiction - il n'y a pas de style, justement. J'aimerais, comme Proust, décrire n'importe quelle sensation, ou comme Zweig, les amplifier et les faire exploser dans un lyrisme à couper le souffle. Certains, qui ne sont pas écrivains mais aiment beaucoup écrire, s'en sortent à merveille. Mais je ne suis ni un écrivain ni une passionnée talentueuse. Je ne suis encore qu'une adolescente à la recherche d'une identité perdue et je n'ai pas atteint les objectifs ambitieux que je m'étais fixée il y a quelques années. Mais j'écris toujours un peu, parce que si je n'ai plus progressé, si j'ai perdu mon niveau d'avant qui n'a pourtant jamais été exceptionnel, j'ai du moins gagné l'envie d'écrire souvent sur ce blog qui m'aide à développer mon style et qui représente la petite étincelle d'espoir qu'il me reste encore.

6 commentaires:

  1. Comme tu l'as dit, tu es adolescente. Parfois, on est peut-être trop jeune pour pouvoir retranscrire à la perfection et avec sa propre expérience ce que l'on ressent avec exactitude. Je pense que c'est ton travail sur toi-même, ton recul, et ce que tu vas vivre qui va permettre à ta plume de se forger et de mûrir, à condition que tu n'arrêtes pas d'écrire, car de ce que j'en vois sur ton blog, tu as une écriture très introspective et fluide. Tes tournures de phrases sont excellentes, et tu as une grande richesse de vocabulaire. Ne te décourage pas, et puis, l'inspiration ne se commande pas. Elle va et vient à sa guise, comme beaucoup de choses. On peut la forcer de temps en temps bien sûr, mais du coup, ce que l'on produit n'est pas toujours ce que l'on avait escompté. Dans tous les cas, tu sais écrire, c'est une certitude, et même si pour l'instant tu t'investis plus sur ton blog que pour tes écrits personnels, ça reste un exercice d'écriture comme un autre, et je trouve que tu l'exécutes très bien. Peut-être même que tu progresses sans t'en apercevoir après tout.

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    1. Oh merci pour ce commentaire qui fait vraiment chaud au coeur !
      Je pense que j'ai progressé ces derniers temps, c'est juste que je n'arrive pas à orienter mon style vers l'effet que je voudrais, mais comme tu dis ça finira bien par venir :)

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  2. Enfin un article avec de l'espoir! :)

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  3. Je rejoins Diana. Peu de personnes ont la science infuse. On ne naît pas Baudelaire et Proust, si tu le veux, tous les jours. Pense à Flaubert qui maniait, remaniait, rayait, soulignait, réécrivait ses textes. As-tu déjà vu l'un de ses brouillons ? Dans l'opinion répandue, tout le monde peut écrire, et c'est vrai. Mais pour atteindre un degré de perfection, il faut en vouloir, le travailler, l'améliorer.

    Tu as encore du temps devant toi et la patience est le maître mot. Tu vas encore t'améliorer, c'est certain. Tu es pertinente dans tes propos et il ne faut pas te décourager. C'est en travaillant que tu y arriveras.

    Keep cool.

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    1. Non je n'ai jamais vu de brouillon de Flaubert (d'ailleurs je ne connais pas grand-chose sur lui, je n'ai même pas lu Madame Bovary), j'irai y jeter un coup d'oeil !
      La patience, je crois que c'est bien de ça dont je manque !
      Merci en tout cas pour ton message :)

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