mercredi 29 octobre 2014

Mes débuts en khâgne - 1

La khâgne. La khâgne. La khâgne. Je me répète ce mot une fois, deux fois, trois fois, il laisse quelques instants une trace dans mon esprit, mais elle s'efface et le mot finit par s'enfuir devant moi. J'essaie de l'attraper au vol, mais il devient poussière entre mes doigts et semble perdre tout à coup toute réalité. Pourtant il est là. Sans que je ne puisse l'atteindre, il forme un voile autour de moi et m'enveloppe. Il est présent, il est irréel, je ne sais pas trop, il est un peu les deux à la fois. Khâgne, khâgne, khâgne... Le mot ne s'est pas gravé dans mon esprit comme s'était gravé celui d'hypokhâgne, clair, vivant, intense, lumineux, coloré. J'avais rapidement endossé le rôle d'hypokhâgneuse. Aujourd'hui celui de khâgneuse me résiste. Le passage a échoué. Au fond, je crois que je suis restée une hypokhâgneuse. Mon âme s'est toute entière imprégnée de cette première année colorée et la confrontation avec la deuxième, sombre et imposante, est électrique. Le passage doit être un glissement, comme on se laisserait emporter par les vagues d'un niveau à l'autre. S'il y a une rupture totale, que quelque chose se casse, que le passage n'est plus fluide, seule une confrontation directe peut permettre le changement... ou empêcher définitivement que l'esprit s'adapte à sa nouvelle situation. C'est malheureusement ce deuxième cas de figure qui s'est produit. J'ai la sensation d'errer dans un entre-deux, d'être perdue dans un passage. C'est là, dans ce sombre couloir, qu'une identité chancelante se greffe sur celle que j'avais déjà. Une identité qui ne me correspond que trop bien, et qui pourtant échoue à illustrer ma personnalité profonde. Je me demande parfois si cette khâgne n'est qu'un court tunnel dont je sortirai bien vite pour revoir la lumière, ou si elle dépose jour après jour des germes d'identité qui se mêleront petit à petit à celle qui me caractérise déjà.

Cette année me donne la sensation désagréable de saccager ma scolarité, mes notes chutant toujours plus et m'interdisant l'accès à une licence sélective. Parfois, dans ces moments de lucidité où je parviens à mettre mes émotions de côté, cette pensée, si simple et si rassurante, me vient "et alors ?". Après tout, on peut trouver un travail sans passer par une licence sélective.  Ce n'est pas la déprime qui a accompagné mes premières semaines en khâgne. La B/L reste mon monde, mon soleil, sans que je ne puisse vraiment m'expliquer pourquoi j'entretiens avec elle une telle relation affective. Mais chaque jour j'ai la sensation d'être un peu plus transparente. La khâgne passe à travers moi, tourne autour de moi, sans m'atteindre vraiment. Je ne suis pas vraiment en khâgne, je n'y suis qu'à moitié.

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